Beach wrestling

La gloire d'Inam

By Vinay Siwach

Muhammad Inam n'était jamais allé à la plage. Sa ville natale de Gujranwala est un hameau enclavé dans le nord-est du Pakistan où l'océan, l'air marin et les vagues frappant le sable ne sont qu'illusion.

C'était ainsi jusqu'à ce qu'Inam s'inscrive dans la catégorie des +80kg pour les Jeux de plage d'Asie 2014 de Pukhet en Thaïlande. Là, Inam a pu goûter de l'air marin, mais aussi de la défaite.

Devenu une star au Pakistan après avoir remporté la médaille d'or des Jeux du Commonwealth en 2010, Inam était reparti de Pukhet avec le bronze. Pour une personne de sa stature et capacité, c'était, d'après lui, un échec.

Mais c'était également une chance.

Inam prit alors la décision d'être mieux préparé que ses opposants pour les jeux de plage et championnats à venir et d'inclure la lutte de plage dans ses entraînements quotidiens et ses routines de musculation.

"La plage la plus proche était pour nous celle de Karachi, à 1'300 kilomètres. Aller là-bas n'était pas possible parce que j'ai ici un akhara [un centre d'entraînement, ndlr]. La lutte pakistanaise vit à Gujranwala."

Muhammad INAM (PAK) pose avec des amis devant la sablière qu'ils ont construite avec le sable d'un lac voisin.

Avec l'aide de ses coéquipiers, Inam s'est rendu à un lac voisin, où ils ont extrait du sable pour le ramener à leur akhara. Ils en ont ensuite fait une aire de pratique circulaire.

L'idée de faire une sablière leur était venue au retour de Pukhet, puisqu'aucun lieu similaire n'existait alentour.

"J'ai amené du sable des marais et lacs environnants pour en faire un cercle dans mon akhara," dit Inam. "Je travaille ici tous les jours. Cela ne coûte rien et les enfants adorent jouer sur le sable, sur lequel ils ne se font pas mal."

"Je ne peux pas lutter tous les jours alors nous faisons du beach volley ou du foot. Mais je suis sur ce sable deux heures par jour et j'en prends l'habitude. Mes muscles s'y habituent."

Il a également augmenté son nombre de participations à des compétitions de lutte dans la boue pour développer son endurance. En 2016, Inam s'est rendu aux Jeux de plage d'Asie, organisés cette fois au Vietnam. Il en est rentré avec la médaille d'or des 90kg après avoir vaincu en finale l'Iranien Mohammad Sadati. Il n'avait concédé aucun point lors des cinq tours du tournoi, mais en avait inscrit 17.

Muhammad INAM (PAK) soumet Pejman Fazlollah TABAR NAGHRACHI (IRI) 2-1 et devient le premier champion du monde de lutte de l'histoire du Pakistan. (Photo : Max Rose-Fyne)

Une année plus tard, à Dalyan en Turquie; Inam est devenu le premier champion du monde de lutte de l'histoire du Pakistan tous styles confondus, après avoir vaincu Pejman Fazlollah TABAR NAGHRACHI (IRI) 2-1 en finale.

De retour en Turquie en 2018, il défend avec succès son titre des 90kg face à Irakli MTSITURI (GEO). Pour ces deux mondiaux combinés, Inam n'aura concédé que trois points, avec un parcours 2018 marqué par quatre victoires par tombé, y compris en finale.

Célébré comme le meilleur lutteur du Pakistan, Inam a continué de suivre sa route avec en point de mire les nouvelles séries mondiales de lutte de plage de 2019 - quatre compétitions autour du globe récompensées en espèces sonnantes et trébuchantes, avant de tenter sa chance aux Jeux mondiaux de lutte de plage de Doha.

Après avoir réalisé la sablière de son centre de lutte, il s'y entraînait deux heures par jour pour s'habituer au sable de plage, ce qui n'était pas entièrement une nouveauté pour lui puisqu'il luttait dans la boue depuis l'âge de dix ans.

"Le Pakistan et l'Inde pratiquent la lutte dans la boue et ceci constitue la base de la lutte de plage aussi," dit-il. "Mon arrière-grand-père luttait, mon grand-père aussi et puis mon père. Tous étaient des lutteurs de dangals et c'est ce qui m'a aidé à devenir bon en lutte de plage."

Les deux pays d'Asie tiennent en effet des compétitions de lutte traditionnelle dans la boue sur un terrain de forme circulaire comme pour la lutte de plage. En dangals - ou lutte dans la boue -, est déclaré vainqueur celui qui force les épaules de son adversaire au sol, une autre règle similaire.

Avec la simplicité des règles et l'expérience acquise dans les tournois de lutte dans la boue depuis son adolescence, Inam était conscient qu'il avait une grande chance d'exceller en lutte de plage.

"J'ai toujours été un lutteur de boue. Le Pakistan n'avait que cinq tapis dans tout le pays. J'allais aux dangals et en 2014 j'ai remporté la médaille de bronze des Jeux d'Asie de lutte de plage et je me suis dit que c'est là que je pouvais être le meilleur."

"C'était un sentiment étrange et j'étais très à l'aise dans le sable. Je n'avais pas de problème pour trouver des appuis parce que je m'étais toujours entraîné dans la boue."

Inam, superintendant de la compagnie d'électricité de Gujranwala, explique que son succès dans la lutte de plage vient du fait qu'il avait décidé de faire ce que font les lutteurs internationaux sur le tapis.

Muhammad INAM (PAK) et des membres de son équipe autour de leur sablière.


"C'est comme si les choses étaient un peu à l'envers. Avant, je m'entraînais pour les compétitions sur tapis pendant un mois," dit-il. "Les Géorgiens, les Iraniens et les Russes s'entraînaient toute l'année. Maintenant, je m'entraîne pendant 12 mois tandis que les lutteurs sur tapis le font un mois avant la compétition."

Il voulait, par cette confidence, remporter à Zagreb, en Croatie, l'or des séries mondiales de classement, mais un problème inattendu l'en a empêché.

"Je n'ai pas pu obtenir de visa pour la Croatie parce que le Pakistan n'a pas d'embassade là-bas. J'ai depuis longtemps l'habitude de problèmes comme celui-là."

Malgré cette absence, Inam pariait toujours sur l'or des Jeux mondiaux de lutte de plage, pour lesquels il était le seul Pakistanais qualifié et en sentait monter la pression.

Tiré dans le Groupe B, avec le médaillé de bronze olympique (Londres 2012) Dato Marsagishvili (GEO) et des athlètes d'Azerbaïdjan, de Turquie et du Portugal, Inam débuta sa journée par une rapide victoire sur Kanan ALIYEV (AZE).

Puis vint le Turc Murat Ozkan dans un combat plus disputé mais au résultqt similaire, sa victoire par 1-0 lui permettant de passer aux éliminatoires. Sortir du groupe avait été le plus difficile.

Dato Marsagishvili (GEO), vainqueur des séries mondiales de lutte de plage en 2019 et le seul à avoir jamais vaincu Inam, était le prochain sur la liste.

Inam n'attendait que ça. Ce fut un combat plein d'action mais aucun des deux adversaires ne put briser la glace les deux premières minutes. Puis Marsagishvili se vit attribuer un point pour un coup dans l'oeil. Inam était en désaccord avec l'arbitrage mais ne put que poursuivre. C'est dans les dernières secondes qu'il inscrivit une ceinture avant et projection en demi-souplesse lui donnant avantage, victoire et revanche.

Inam passa confortablement en tête du groupe en soumettant Adao ANDRADE (POR) 3-0 pour atteindre les demi-finales. Marsagishvili aussi, en tant que deuxième du groupe, passa en éliminatoire.

Le destin décida que chacun remporte sa demi-finale, Inam vainquant Pedro GARCIA (ESP) 3-0, Marsagishvili Mihai PALAGHIA (ROU) 4-0. Troisième rencontre en cinq mois pour nos deux héros. Marsagishvili avait remporté la première 2-0 aux séries mondiales de Rio de Janeiro, Inam était sorti vainqueur à Doha en phase de groupe. La scène était prête pour que les acteurs jouent la médaille d'or des premiers Jeux mondiaux de lutte de plage de Doha.


Muhammad INAM (PAK) renverse le médaillé olympique de bronze Dato Marsagishvili (GEO) 5-3 en finale des Jeux mondiaux de lutte de plage.(Photo : Theo Lowenstein)

Marsagashvili construisit une avance de deux points par deux amenés au sol. Inam répliqua de la même façon pour mener 2-2 sur critères ; il était maintenant conscient qu'il lui fallait jouer le chronomètre pour les dernières 40 secondes.

Mais Marsagashvili voulait la revanche de sa matinale défaite. Dans une tentative désepérée, à quelques secondes de la fin, il essaya de prendre Inam en chassé mais c'est ce dernier qui prit le dessus pour mettre le Géorgien en tombé. Trois points pour Inam, et la médaille d'or en conclusion.

"Je l'avais déjà combattu et je sais ce qui m'avait manqué dans ce combat de Rio," a commenté Inam. "J'ai adoré gagner à Doha parce que tout le monde criait dans l'arène et que je luttais pour le Pakistan. Le combat était tellement dur et le gagner à l'arrachée m'a encore plus réjoui. Je ne peux pas trouver d'explication à l'atmosphère de cette journée."

Il fut accueilli comme un héro à son retour au Pakistan. Tout le monde voulait un morceau d'Inam et il fut sous le feu des interviews pendant plusieurs jours.

Après sa campagne victorieuse de Doha, Il espère que la lutte de plage soit inscrite au programme olympique des JO de Paris en 2024. Il aura alors 35 ans, n'empêche, il compte décrocher une médaille pour le Pakistan, dont la dernière récompense olympique dans la discipline remonte aux Jeux de 1960 à Rome.


Muhammad INAM (PAK) célèbre sa médaille d'or des Jeux mondiaux de lutte de plage. (Photo : Theo Lowenstein)

"La lutte de plage va continuer de se développer parce que c'est une discipline qui reste simple et pour les lutteurs et pour le public," pense Inam. "C'est très convivial et ça ne dure que trois minutes. Les règles sont qu'il faut mettre le dos de l'adversaire au sol pour gagner. Cette règle est commune à tous les dangals de l'Inde et du Pakistan et à la plupart des styles de lutte autour du monde. Sinon, le faire sortir de la zone."

"La lutte libre et la lutte gréco-romaine sont différentes, avec des règles particulières. Le lutteur attaquant se retrouve aussi sur son dos et les spectateurs sont un peu confus quand il reçoit des points dans cette position."

La gloire olympique amènerait certainement richesse et célébrité à Inam, mais lui pense que cela aiderait la lutte, un sport "négligé" dans le pays. Bien que les garçons s'entraînent dans les quelques centres qui restent au Pakistan, Inam trouve désolant le fait que le Pakistan n'ait su construire une équipe de lutte féminine.

La lutte libre doit encore décoller au Pakistan tandis que la lutte à la ceinture est vue comme plus acceptable. Inam, cependant, croit que la lutte de plage peut se développer et que les femmes pourront pratiquer la discipline.

"Il y a au Pakistan des équipes féminines de karaté, de judo, de taekwondo et même de cricket. Alors pourquoi pas la lutte ? La lutte de plage est un outil formidable pour dépasser, effacer ces problèmes culturels et l'oppression que tout le monde subit."

"Si elles ont le droit de pratiquer d'autres sports, alors il faut leur permettre de lutter aussi. Pour l'égalité des sexes, c'est la meilleure façon de commencer. Je crois que les filles doivent être libre de faire du sport. Le monde a changé et donc, nous devons changer et laisser les filles lutter."

#WrestlePontevedra

Les jumeaux prometteurs Sterkenburg se rendent en Espagne avec l'histoire en ligne de mire

By Vinay Siwach

PONTEVEDRA, Espagne (13 octobre) -- Pendant longtemps, les Pays-Bas ont été pratiquement rayés de la carte de la lutte. Hormis les petites poussées de la lutte féminine, ils ont surtout eu du mal à se hisser dans le top 10 des compétitions internationales.

Mais cela a changé l'année dernière.

Les frères jumeaux Marcel STERKENBURG (NED) et Tyrone STERKENBURG (NED) sont les stars montantes de la nation avec des espoirs de qualification pour les Jeux Olympiques de Paris. Mais avant de connaître leur destin olympique, les jumeaux remettent le pays sur la carte mondiale, une étape à la fois.

Les deux deviendront les premiers lutteurs des Pays-Bas à concourir aux championnats du monde U23 à Pontevedra, Espagne, la semaine prochaine avec l'espoir de remporter eux aussi la première médaille.

Ils ne sont pas étrangers au fait de briser de nouvelles barrières. L'année dernière, les deux lutteurs ont remporté des médailles d'or et d'argent historiques aux championnats du monde U20 mettant ainsi fin à une longue attente pour les Pays-Bas.

Cette année, en Mars, Marcel a remporté les championnats d'Europe U23 en 82 kg tandis que Tyrone a terminé troisième en 97kg. Deux semaines plus tard, ils ont fait leurs débuts aux championnats d'Europe senior à 20 ans mais n'ont pas réussi à remporter de médaille.

Tyrone STERKENBURG (NED)Tyrone STERKENBURG (NED) est médaillé d'argent aux championnats du monde U20. (Photo: UWW / Kadir Caliskan)

Poursuivant leur progression pour devenir des lutteurs d'élite, les Championnats du monde U23 constituent une étape importante pour les deux lutteurs.

"J'ai effectivement gagné assez de puissance et de poids pour les 87kg", a déclaré Marcel. "Je me suis senti bien ce dernier mois et la partie la plus importante de ces Mondiaux U23 est de prouver que je peux lutter aussi bien que je l'étais en 82kg."

Après avoir remporté les Euros U23, Marcel a réalisé que les Jeux olympiques de Paris 2024 sont à portée de main et que se qualifier pour les Jeux est une étape importante pour poursuivre sa carrière. Pour cela, il est passé dans la catégorie de poids olympique des 87 kg.

"Mon objectif après cela était de prendre du poids", a déclaré Sterkenburg. "Je vais passer à 87 kg et aux Pays-Bas, mon frère est le seul partenaire d'entraînement, mais il pèse 97 kg, donc il est difficile de s'entraîner avec un gars plus lourd. Donc maintenant, je serai un meilleur partenaire d'entraînement pour mon frère également."

Les deux hommes étaient sur le parcours lorsqu'un problème inattendu est survenu. Marcel a contracté une infection de la gorge, ce qui l'empêchait de respirer en luttant en raison de ses amygdales gonflées. La situation s'est aggravée en Pologne lorsqu'il a lutté à la Wladyslaw Pytlasinski Cup en juin.

"Je me suis évanoui pendant mon combat avant de me faire opérer là-bas", a-t-il déclaré. "Je me ferai enlever les amygdales après les championnats du monde".

L'entraînement a été interrompu et n'a repris qu'en septembre lorsque Marcel s'est senti mieux. Pendant la majeure partie de leur carrière, les deux frères ont été les seuls partenaires d'entraînement l'un pour l'autre, car les Pays-Bas n'avaient pas la "qualité" pour faire des lutteurs internationaux. Mais avec des victoires aux Championnats du monde U20 et aux Euros U23, le comité olympique des Pays-Bas a investi dans les deux frères.

"Depuis nos médailles, pendant deux ans, nous recevons des budgets du CNO pour pouvoir voyager et améliorer notre lutte", explique-t-il.

Les deux hommes, ainsi que leur entraîneur Edward GICEWICZ, voyagent dans toute l'Europe pour bénéficier du meilleur entraînement. Au fil des ans, ils ont trouvé un grand cercle au Danemark, en Norvège et en Suède, s'entraînant avec le champion d'Europe et médaillé d'argent des championnats du monde Turpan BISULTANOV (DEN).

Les périodes d'entraînement deviennent importantes car les différents partenaires d'entraînement apportent un vaste niveau de compétences pour mettre les lutteurs au défi.

"Sur une base technique, je peux beaucoup m'améliorer comme mon stance car il est un peu précipité", a déclaré Marcel. "Je tombe au début du combat donc des petites choses".

Les voyages d'entraînement dans différents pays sont un énorme soulagement pour eux, car ils se souviennent des premiers jours de ce sport, lorsqu'il était impossible de trouver des partenaires.

"Avant la lutte, nous nous entraînions à la boxe et au judo", a-t-il déclaré. "Mais tout le monde nous a dit que nous devrions essayer la lutte et commencer à être naturellement compétitifs, alors nous avons décidé de nous entraîner. Puis mon entraîneur polonais est venu aux Pays-Bas et il n'entraînait que la gréco-romaine, alors nous avons décidé de le faire.

"On grattait avec très peu de choses", a-t-il déclaré. "Nous demandions des budgets à des amis ou des fondations et notre entraîneur nous aidait. Parfois, nous dormions sur les tapis ou dans l'option la moins chère possible car l'argent pour financer les voyages était difficile."

Les médailles de la Coupe Wladyslaw Pytlasinski en Pologne en 2020 et le bronze des Championnats d'Europe U20 un an plus tard n'ont pas seulement apporté des fonds, les médailles des Championnats du monde U20 leur ont permis de se faire remarquer aux Pays-Bas.

Les deux frères étaient partout dans les journaux, invités à des émissions de télévision et de radio et même à des événements caritatifs. Ils étaient le nouvel espoir de la lutte néerlandaise.

Bien que l'entraînement occupe la majeure partie du temps, les jumeaux ont apprécié ce nouvel aspect de leur vie. Ils en ont profité. Mais ils sont rapidement retournés à l'entraînement.

"J'étudie l'économie commerciale, ce qui me prend aussi du temps", dit Marcel. "En dehors de la formation, j'aime aller au cinéma et dessiner. Nous allons tous les deux en Thaïlande chaque année puisque ma mère est originaire de ce pays."

Même pendant leur temps libre, les jumeaux Sterkenburg s'entraînent à la lutte sur la plage et se rendent tous les jours dans les gymnases de MMA pour s'entraîner.

Mais avant de partir en Thaïlande pour un nouveau voyage à domicile, les deux hommes veulent attirer l'attention sur les Pays-Bas en décrochant une médaille aux championnats du monde U23 la semaine prochaine et entamer leur parcours olympique.

"Nous visons tous les deux la médaille d'or, pour faire encore mieux que l'année dernière où Tyrone a obtenu l'argent", a déclaré Marcel.